Loi du 11 février 2005 : quel bilan 11 ans après ?

Publié le par Moscillo Sylvie

Loi du 11 février 2005 : quel bilan 11 ans après ?

Une loi ambitieuse ... de l'espoir suscité !

Il faudra attendre 1975 pour avoir le premier grand dispositif législatif sur le handicap en France avec la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées. Cette loi stipule l'importance de la prévention et du dépistage des handicaps, l'obligation éducative pour les jeunes personnes en situation de handicap, l'accessibilité des institutions publiques, le maintien dans un cadre ordinaire de travail et de vie chaque fois que possible.

Sous l’impulsion des politiques internationales et des différentes conventions, la loi du 11 février 2005 visait à permettre à la France de rattraper son retard en matière de prise en charge et d’accompagnement du handicap.

Les grands principes de la loi du 11 février 2005 allaient toutes, sans la nommer dans le sens de la désinstitutionnalisation :
• réaffirmer le droit à la solidarité nationale et d'égalité de traitement (non discrimination) par l'égal accès au droit commun ;
• garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d’existence favorisant une vie autonome et digne ;
• permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale grâce à
l’organisation de la cité autour du principe d’accessibilité généralisée, qu’il s’agisse de l'école, de
l’emploi, des transports, du cadre bâti ou encore de la culture et des loisirs ;
• placer la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent en remplaçant un
raisonnement administratif par une logique de service.

Une loi ambitieuse qui n’a pas trouvé suffisamment d’énergie, de volonté, de formation pour entrer pleinement en application.

Depuis 2012, la France n’a de cesse de légiférer pour détricoter mail après mail une loi pourtant claire qui donnait des droits aux personnes handicapées et des obligations à l’état, afin de donner droits aux institutions de dysfonctionner et obligation à nos enfants d’être au service du service public, foulant au pied ses propres valeurs républicaines et violant ainsi les droits de nos enfants.

 

  • Amendement AVS :  modifie la loi du 11 février 2005 en créant les aides scolaires mutualisées (sans précision du nombre d’heures attribuées puisque la même personne accompagne plusieurs enfants simultanément - c’est donc une aide attribuée à l’école qui en dispose comme bon lui semble et non plus une aide attribuée à un enfant) qui se substituent en grande partie aux aides scolaires individuelles.

 

 

  • La loi de  2007 sur la protection de l’enfance et celle de 2013 sur la refondation de l’école ont ouvert la porte à des dérives qui dépossèdent nos enfants de leurs droits.


Bien loin de prendre les mesures pour que l’avis des parents soit entendu et pour que l’intérêt supérieur de l’enfant soit privilégié, le gouvernement vient de faire passer en force un article de loi (article 21 bis de la loi santé) qui aura l’effet inverse. La loi du 11 février 2005 avait donné missions au MDPH (Maison Départementales des Personnes Handicapées) l'évaluation des besoins en fonction du projet (choix) de vie de la personne, la formulation d'un plan personnalisé de compensation incluant toutes les mesures permettant de réaliser le projet de vie, l'ouverture des droits à compensation du handicap (prestations et/ou orientation vers des services ou des
établissements médico-sociaux), l’aide nécessaire à la mise en œuvre des décisions prises. Les décisions prises par les MDPH s'imposent aux établissements chargées d'accueillir les personnes handicapées. L'état est responsable pour mettre en œuvre tous les moyens humains et financiers nécessaires afin de réaliser le plan de compensation de la personne handicapée : c'est ce qu'on appelle le droit opposable. L’article 21 bis permettra aux MDPH de proposer, en plus du Plan Personnalisé de Compensation (PPC) pour répondre à la demande de la personne handicapée, un deuxième plan, le PAG (Plan d'Accompagnement Global)
si la MDPH considère que le PPC risque de ne pas pouvoir être réalisé. Ce PAG proposera, en parallèle de l'orientation demandée, une deuxième orientation « consentie » qui ne sera plus guidée par rapport au choix et aux besoins de la personne mais en fonction des ressources que l'on pense pouvoir mobiliser, des places disponibles.

Absence d’une politique en faveur du handicap au niveau national :   


Il n’existe pas à proprement parler de politique nationale engagée au-delà des déclarations de bonnes intentions, puisque la prise en charge du handicap est une compétence déléguée aux départements. Chacun d’entre eux met en application ses interprétations de la loi pour créer sa propre politique, sans aucune équité sur l'ensemble du territoire.

Il n’existe aucune statistiques fiables sur le handicap en France, ni sur la demande, ni sur l’offre. Nous nous nous demandons bien comment la France  peut mettre en place une politique du handicap efficace alors qu’elle n’est pas en mesure de fournir des données sur le nombre d’enfants handicapés, leur situation et leurs besoins.
Pourtant, ces informations sont fournies à minima une fois par année aux Maisons Départementale des Personnes Handicapées pour l’étude des dossiers de nos enfants. Il suffirait de faire remonter ces données vers la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie.

Nos enfants n’ont nul besoin d’empilage de textes contradictoires, de plans et dispositifs divers et variés, ni de grande théories, de sensibilisation, de recommandations mais simplement de mesures concrètes de mise en accessibilité/compensation afin de pouvoir bénéficier d’un égal accès au droit commun.

Depuis 2005, aucune réflexion n’est conduite au niveau national sur l’accessibilité de l’école pour tous : on en reste à se dire que si l’enfant ne s’adapte pas à l’école, c’est qu’il a besoin d’être orienté ailleurs. Pourtant, nombreuses sont les expériences sur le terrain que quand l’école a la volonté (et les moyens) de se rendre accessible, elle sait le faire.

Depuis 11 ans, les associations de défense des droits des enfants handicapés n’ont de cesse de réclamer un groupe de travail national pour collecter les bonnes pratiques du terrain quant aux aménagements possibles à l’école pour compenser des altérations de fonctions. Un travail qui pourrait permettre de mutualiser et de mettre à disposition des écoles :
• Des manuels scolaires adaptés pour les troubles visuels.
• Des supports de cours adaptés téléchargeables.
• Une présentation des adaptations scolaires possibles classées par altérations de fonctions et non pas par diagnostic
• Une présentation des pédagogies adaptées et leurs apports par rapport à une altération de fonction.

Une nébuleuse administrative : tout le monde a compétence à décider du projet de vie de l’enfant mais surtout personne n’est responsable de rien.


Tout le parcours du dossier d’un enfant en situation de handicap n’a d’autre objet à ce jour que de recueillir l’avis de chacun de partenaire chargé de mettre en œuvre le projet de l’enfant quant à ce qu’il considère être l’intérêt supérieur de l’enfant au détriment d’une réflexion sur la manière de compenser les limitations d’activités et de participation, conséquences d’altération(s) de fonction(s).
Le handicap a des origines plurielles (cause individuelles, environnementales, sociétales), sa prise en charge nécessite des réponses multi-modales, un travail pluridisciplinaire. Il reste néanmoins indispensable que l’enfant reste au cœur du dispositif, que ce travail partenarial reste au service du projet de l’enfant, avec chacun qui œuvre dans son domaine de compétence :
• l’enfant et sa famille doivent être les seuls à pouvoir saisir la MDPH de leurs demandes. Ils renseignent le choix de vie, le projet, les souhaits et les aspirations.
• Les professionnels de soins et de rééducations renseignent sur les altérations de fonctions, les besoins en termes de soins et de rééducations
• l’école doit renseigner sur ses observations quant aux répercussions du handicap dans le cadre scolaire en précisant les aménagements/adaptations de l’école nécessaires afin que l’école puisse s’adapter à la spécificité de l’enfant.

L’équipe pluridisciplinaire évalue la situation de handicap de l’enfant et propose un plan personnalisé de compensation comprenant toutes les mesures nécessaires à la compensation des conséquences du handicap afin de lui permettre de réaliser son projet. Ce plan doit être envoyé à la famille pour accord avant le passage à la Commission qui statuera.

Ce n’est que sur la base de ce travail où chacun œuvre dans son domaine de compétence que les décisions peuvent être prises, dans le respect de l’intérêt et des droits de l’enfant.

Des financements multiples des compensations : un conflit d’intérêt permanent.


S’agissant des soins, certaines rééducations sont prises en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. (Kinésithérapie, orthophonie, orthopsie …), d’autres non. Il est alors possible de demander l’ouverture d’une prestation à la Maison Départementale des Personnes Handicapées pour financer une partie de ces rééducations (psychologue, neuropsychologue, psychomotricité, ergothérapie, thérapies cognitivo-comportementalistes…). Il existe deux prestations distinctes pour les enfants :
• l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé, financée par la Caisse d’Allocation Familiale
• la prestation de compensation du handicap, financée par le Conseil Général.
En institution, les frais de soins et de rééducations sont financés par la Caisse Primaire d’Asssurance Maladie sous forme de prix de journée.
S’agissant des compensations nécessaires à rendre la scolarité en milieu ordinaire effective, l’accompagnement par une auxiliaire de vie scolaire et financée par l’éducation nationale, la prise en charge des frais de transport scolaire des élèves handicapés par le Conseil Départemental.

En institution, ces frais sont financés par la Caisse Primaire d’Asssurance Maladie sous forme de prix de journée.

Pour rappel : c’est la Commission Départementale de l’Autonomie des Personnes Handicapées (Commission de la MDPH) qui statut en dernier lieu sur l’ouverture de droit à compensation et l’orientation des enfants en situation de handicap. Cette commission est constituée de plus d’une vingtaine de personnes représentant le département (majoritaire), l’État, les organismes de protection sociale et des représentants d’associations représentatives de personnes handicapées (dans la majorité, des associations gestionnaires d’établissements et de services médico-sociaux).

On imagine aisément la place qui est réservée dans ces conditions à l’intérêt de l’enfant, le respect du choix de vie face à des représentants qui défendent chacun leurs intérêts, leur portefeuille.

Alors entre l’école qui ne souhaite pas vraiment nos enfants et cherche à faire des économies
d’accompagnements scolaires, les Conseils Départementaux à qui l’on a donné compétence en matière de handicap sans les financements nécessaires et qui par conséquent voudraient faire des économies sur le transport scolaire et la compensation du handicap, et les associations gestionnaires qui cherchent à remplir leurs établissements, voire à augmenter les listes d’attente afin de pouvoir “choisir” les enfants et négocier plus de financement pour augmenter leurs capacité d’accueil, il est bien difficile de faire valoir les droits de nos enfants.

Un manque cruel de formation de tous les acteurs dans la champs du handicap :

« Dans une sorte de prêt-à-penser, toujours prégnant dans notre culture, on a cru que les sentiments charitables, les qualités humaines et les attitudes de bonne conscience dispensaient d'acquérir des connaissances. Les principes généreux et les discours de conviction épargnerait de se doter d'un outillage conceptuel et, au-delà, d'un réel équipement intellectuel. »

Charles Gardou

Il est regrettable que la loi du 11 février 2005 et la convention des droits des enfants ne soit pas enseignées dans les formations initiales et continues de tout professionnel amené à travailler avec des enfants, notamment ceux en situation de handicap.

Il est regrettable que l’on confonde encore en 2015 formation et sensibilisation. Il manque cruellement d’exercice d’une quelconque autorité pour rappeler aux administrations, aux services décentralisés que l’exercice d’un droit ne se confond pas avec une faveur que l’on pourrait choisir d’accorder …. Ou pas !

Il est regrettable que l’on pense pouvoir compenser le handicap/donner accès à l’école et au savoir en attribuant à un enfant en situation de handicap un accompagnement scolaire par un personnel qui n’a aucune formation (si ce n’est peut-être une information en interne par l’éducation nationale sur son propre fonctionnement et ses représentations de ce qu’est le handicap). Aucune formation sur le droit des enfants, sur les outils pour compenser/adapter. Dramatique quand on sait par ailleurs que ces personnels sont recrutés sans conditions de
formation initiale, bien souvent par des contrats d’aide au retour à l’emploi, c’est-à-dire à des personnes qui sont déjà trop souvent en difficultés sociales. Outres l’absence de formation avant leur prise de poste qui les laissent livrées à elles-mêmes, ces contrats précaires et à temps partiels ne sont pas de nature à motiver ces personnels de l’éducation nationale.
Depuis des années, les associations de défense des droits des enfants handicapées demande la création d’un métier d’accompagnant à la vie sociale/scolaire pour les enfants en situation de handicap : un professionnel du handicap qui pourrait intervenir sur tous les temps et tous les lieux de vie (sans saucissonner les besoins de l’enfant en fonction de qui doit financer et pour éviter la multiplication des intervenants auprès de l’enfant). Il suffirait d’organiser un co-financement en fonction du lieu d’intervention. Un métier qui nécessiterait une formation
initiale (en France, on ne s’improvise pas mécanicien auto ou boulanger : il faut l’obtention d’un diplôme pour exercer son métier - sauf pour accompagner un enfant handicapé ???). Un métier que l’on pourrait exercer le temps que l’on veut et non pas le temps d’un contrat aidé (2 ans maximum) ou le temps d’un contrat à durée limité (6 ans maximum) en espérant pouvoir obtenir un contrat à durée indéterminé possible depuis 1 an.

Publié dans Communiqués

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